Écrit par helene-ccw - Publié le 03 Fév 2017 à 11:50

Yuksek revient enfin sur le devant de la scène avec un nouvel album "Nous Horizon" qui sort le 24 février prochain. C’était donc un peu l’occasion idéale pour nous d’aller interroger l'un des dignes représentants de la French Touch 2.0 pour en savoir un peu plus sur cet opus, tout ce qu’il a fait depuis cinq ans mais aussi sur son regard sur la musique actuelle. Découvrez notre interview de Yuksek.

Originaire de Reims, Pierre-Alexandre dit Yuksek a très vite conquis la scène électro française avec la sortie de son premier album Away From The Sea il y a maintenant sept ans. On le compte parmi les dignes représentants de la French Touch 2.0, et aussi comme l’un des producteurs les plus brillants et créatifs de sa génération. Son troisième album Nous Horizon sort le 24 février prochain et se présente déjà comme la lueur réconfortante en ces temps moroses, avec ses sonorités solaires. Yuksek (comprenez haut en turc) se produira ensuite lors d’une poignée de dates, dont une au Printemps de Bourges 2017 en avril, accompagné des nombreux collaborateurs de son nouvel opus. À l’occasion de ce retour des plus réjouissants, nous sommes allés à la rencontre de Yuksek pour en savoir un peu plus sur Nous Horizon, sur tout se qui s’est passé depuis son dernier album mais aussi sur son rapport avec la musique actuelle. Découvrez notre interview !

europe2.fr : Bonjour Yuksek, ravi de faire ta connaissance ! Tu préfères qu’on t’appelle plutôt Pierre-Alexandre ou Yuksek ?

Yuksek : Pierre ou Pierre-Alexandre, comme tu veux !

VR.fr : Donc Pierre-Alexandre, cinq ans sont passés depuis ton dernier album Living on The Edge of Time, qu’as-tu fait depuis tout ce temps ?

Yuksek : Plein de choses, j’ai produit des disques et d’autres artistes, j’ai monté un label, j’ai fait des musiques de films, pour des pièces de théâtre aussi. J’ai joué beaucoup également, jusqu’en 2013 on était en tournée en live, puis j’ai fait ensuite pas mal de DJ Set aussi…

VR.fr : L’envie de refaire un album t’est revenue que récemment ou tu n’avais juste pas le temps ?

Yuksek : J’avais envie de faire d’autres trucs, de faire de la musique avec des gens, d’autres formes d’écriture de musique, j’avais envie de prendre le temps que ça vienne en fait.

VR. : Nous Horizon a des sonorités plus disco, plus groovy et très solaires, il sonne finalement assez différemment de tes précédents opus. C’était important pour toi de proposer un disque qui tend vers d’autres « horizons » ?

Yuksek : Oui oui, comme à chaque fois que je fais un disque. Le second était différent du premier déjà. Après finalement ce truc disco était déjà un peu présent dans le premier album, j’avais fait un morceau avec Roméo, il y avait des trucs plus dans ce style. Le deuxième album était plus froid mais là oui en ce moment j’ai plus envie de musique… joyeuse c’est pas vraiment le mot c’est pas non plus Patrick Sébastien, mais plus positive oui, avec plus de soleil.

« J’avais envie de prendre le temps que l’envie de faire un nouvel album vienne »

VR.fr : Justement, dans la description de ton album on nous parle d’une, je cite, « parfaite bande son pour une virée californienne à l’ombre des palmiers pour danser ou chiller cocktail à la main », soit ce dont on rêve tous en ce moment…

Yuksek : Oui c’est ça, peut-être pas cocktail à la main non plus mais virée en Californie oui, car mes voyages là bas ont pas mal influencé ce disque. Niveau ambiance, c’est un peu la bande son que j’ai dans les oreilles quand j’y suis.

VR.fr : Quels ont été tes autres inspirations pour ce disque ?

Yuksek : J’ai toujours écouté beaucoup de choses différentes, y compris des titres disco. Disco pour moi c’est assez précis, c’est 3-4 ans fin des années 70, j’aime pas trop la musique des années 80 qu’on appelle aussi de la disco mais qui est plus commerciale, plus synthétique. J’aime bien le début de la disco, tout ce qui est plus instrumental. Ce sont des choses que j’ai toujours plus ou moins écoutées, parmi d’autres bien sûr. La soul pour le coup, notamment sur les morceaux avec les mecs de Her, c’était moins ma culture mais j’en ai pas mal écouté récemment, tout comme la musique brésilienne et certains sons africains des années 70-80, je me suis replongé dans des sons un peu plus internationaux.

« J’ai envie de musique plus positive »

VR.fr : Le début de « Nous Horizon » est plutôt joyeux et solaire, et le disque s’assombrit comme d’un coup à partir de « Keep Looking In My Eyes »… Etait-ce voulu ? Qu’est ce que cette coupure représente ?

Yuksek : Je pense que faire un album c’est comme raconter une histoire aussi. J’aime pas les albums trop monolithiques qui raconte la même chose du début à la fin. C’est comme quand on construit un DJ set sur 2 ou 3 heures pour emmener les gens dans des trucs un peu différents, là c’est la même chose. Pour moi le premier morceau c’est vraiment une intro, le dernier morceau c’est vraiment un morceau de fin. Autour de ça on se promène un peu, et c’est clair qu’il y a un côté plus mélancolique sur la fin. Mais c’était assumé et c’était un peu pareil sur l’album précédent d’ailleurs. J’ai l’habitude de construire mes disques comme ça.

VR.fr : Quelle histoire raconte l’album alors ?

Yuksek : C’est plein de choses à la fois en fait, aller sur des terrains où je ne suis pas trop allé pour Horizon, le Nous ça représente le collectif, il y a beaucoup d’invités, aussi des gens avec qui j’ai fait de la musique, avec qui j’ai passé beaucoup de temps en studio. On a créé ensemble, c’était pas juste je fais une instru, un chanteur pose sa voix dessus, c’était vraiment des sessions de studio. Le Nous est assez important, et moi justement ce pourquoi j’ai pas refait d’album, pourquoi j’ai eu envie d’en faire un de cette façon là c’était parce que j’étais sorti d’une période où le disque précédent je l’avais fait tout seul, produit, mixé, chanté tout seul, j’ai eu aucune interaction. Je suis allé au bout du truc solo et sortant de ça, je me suis dit que je voulais plus le refaire. Le Nous est donc vraiment important pour moi.

VR.fr : Concernant ces nombreux invités, Monika, Her ou encore Juveniles… Comment se sont passés ces rencontres ?

Yuksek : C’est différent un peu pour tout le monde. Juveniles on se connait depuis longtemps maintenant, j’ai produit leur premier album en 2012, c’était une super rencontre. Jean Sylvain qui est le chanteur est un mec que j’adore vraiment et avec qui on a fait beaucoup de choses, comme un maxi ensemble sur mon label. On collabore beaucoup et c’était évident qu’on le fasse de nouveau sur ce disque, après il y a Kim qui est le seul d’ailleurs à avoir participé à mon disque précédent. Monika je la connaissais pas du tout, j’ai entendu son album l’année dernière et j’avais vraiment aimé surtout sa voix, sa façon de chanter, un peu androgyne, un peu décalée. J’avais vraiment envie qu’elle soit là, j’avais envie d’avoir une voix de femme sur le disque mais je voulais pas quelque chose de trop clean, trop performance ou trop trafiquée, je voulais vraiment une voix naturelle, c’était parfait. Les Her, c’est grâce à Juveniles que je les ai rencontrés, ils viennent de Rennes aussi, j’ai entendu leur maxi l’année dernière, je l’ai trouvé super et j’y ai vu quelque chose d’intéressant à trouver. D’ailleurs Monika comme Her on était parti pour faire juste un morceau et on en a fait 2. Et le dernier c’est Roman de Breton, que j’ai croisé pas mal en tournée sur mon dernier album, on s’est qu’il fallait qu’on fasse un truc ensemble, et ça s’est fait, c’était assez simple. C’est juste des gens que j’apprécie et que je respecte, et avec qui j’avais envie de faire de la musique tout simplement.

VR.fr : D’après ce que j’ai compris, ils t’accompagnent tous en tournée…

Yuksek : Non en fait, c’est un peu compliqué. Il y a un groupe de quatre personnes sur scène, avec Jean-Sylvain de Juveniles qui sera là, ça c’est sûr, une batteuse Lucille qui n’a pas participé au disque, un percussionniste et moi. Suivant les dates de lives, il y aura des invités, sauf qu’ils seront pas présents tous à chaque fois. Paris il y a en a certains et pas d’autres, la semaine suivante les autres, c’est un peu les chaises musicales. C’est impossible d’avoir tout le monde de toute façon, on essaie de s’arranger.

VR.fr : Tu as réalisé énormément de remixes dans ta carrière, Phoenix, Lana Del Rey, Brigitte… Pour ne citer qu’eux. Quel exercice préfères-tu entre produire tes titres et en retravailler d’autres ?

Honnêtement il n’y a rien qui… C’est comme si tu disais ‘est ce que tu préfères… ?’ Non j’allais faire une blague pourrie ! (Nous sommes ouverts à l’humour chez europe2.fr !) Non en fait il n’y a rien de ce que je fais que je préfère à autre chose, je ne peux pas te dire. Produire un titre, remixer un titre, faire une musique de film, c’est un tout, auquel je prends du plaisir si je ne le fais pas trop en fait. Si pendant une longue période je bosse sur un disque, pendant longtemps je ne fais plus rien pour moi, je produis pour les autres. J’y prends un plaisir égal. J’ai de la chance de faire que des trucs qui me font kiffer !

VR.fr : Et qu’est ce que tu apprécies dans chacun de ces exercices ?

Yuksek : Les remixes c’est plus facile et ça prend moins de temps. C’est moins impliquant aussi, il y a un peu moins de créations. Moi j’ai tendance à pas mal respecter les morceaux originaux quand je fais un remix. J’utilise beaucoup les voix, j’essaie souvent de réécrire un morceau à partir de l’a cappella. C’est un exercice que j’aime bien pour ça, c’est marrant, on réinterprète vraiment le titre mais en utilisant la voix comme elle a été écrite et en utilisant l’arrangement original. Souvent j’essaie, à moins que ça soit déjà connu, de ne pas écouter le morceau avant. Si je connais l’artiste, par exemple jamais j’irai refuser un Phoenix, Lana Del Rey ou Brigitte, j’accepte sans écouter la musique, et quand on m’envoie les différentes parties du morceau, j’écoute que la voix, et je travaille uniquement à partir de la voix. J’écoute le morceau original une fois que j’ai fini. C’est une question d’harmonie, souvent sur une même voix tu peux écrire des choses assez différentes ou complémentaires du moins, c’est un vrai challenge.

VR.fr : Comment décrirais-tu la patte Yuksek ?

Yuksek : Honnêtement je sais pas du tout, pour ce que j’ai fait jusqu’à maintenant, justement c’est un mélange. Pour l’écriture en tout cas, un truc assez dansant, mais en étant un peu pop aussi, un peu indie, je sais pas. Je ne saurais pas trop définir, c’est toujours différent. Pour le son, c’est pareil, apparemment j’ai un espèce de savoir faire mais je ne sais pas en quoi… Il y a des gens qui apprécie mon travail, c’est peut-être à eux qu’il faut demander. Je ne suis pas le mieux placer pour parler de moi.

« Je ne suis pas le mieux placé pour parler de moi. »

VR.fr : En 2003 tu as créé ton festival Elektricity, l’année dernière il a été annulé…

Yuksek : C’est fini en fait. Il change de nom, de lieu et de date, c’est un nouveau festival. Ce n’est plus mon festival, mais ça n’était déjà plus mon festival officiellement depuis 5-6 ans. Mais j’étais toujours un peu dans le truc, mais après j’avais plus le temps de m’occuper de ça concrètement. J’étais en bons termes avec les gens qui s’en occupaient, depuis deux ans moins. Je suis objectivement plutôt content d’en avoir fini. C’est plutôt triste d’avoir créé quelque chose et de voir que cette chose existe toujours mais n’a plus rien à voir avec le projet initial, plus grand chose en tout cas. Je préfère que ça n’existe plus, comme ça ce n’est pas frustrant.

VR.fr : DJ, producteur.. tu as aussi créé ton propre Label Party Fine et ton propre festival donc. Tu as encore des rêves ? Quels sont tes prochains défis ?

Yuksek : J’ai pris beaucoup de plaisir à faire des musiques de film, j’en ai deux cette année. Là j’ai un court métrage pour Canal, et un long métrage cet été. C’est le premier film du réalisateur qui a réalisé mes deux derniers clips. Sinon dans la musique non, j’aimerai bien faire un tour du monde mais à titre personnel. J’aimerai aller à tous ces endroits où je suis allé mais pas assez longtemps, Japon, Brésil… Et tous les endroits où je suis pas allé, comme l’Amérique du Sud.

« Ce que je souhaite c’est que tous les gens qui pourraient avoir envie d’écouter mon disque soient juste au courant que je fais un disque. »

VR.fr : Pour 2017, que peut-on te souhaiter ?

Yuksek : Ce qui est drôle, c’est qu’avant j’avais tendance à me dire que « j’espère que le disque va avoir du succès » et là je trouve qu’avec la façon dont les gens consomment la musique et dont l’information arrive jusqu’aux gens, je trouve que le principal truc que je souhaite c’est que tous les gens qui pourraient avoir envie d’écouter mon disque soient juste au courant que je fais un disque. Je trouve ça assez dingue avec tous ces trucs de Facebook, de reach tout ça, du fait que tu sais pas trop où les gens s’informent, tu te rends compte que tu peux sortir un truc, et que quelqu’un même qui aime ce que tu fais peux s’en rendre compte deux ans après. Alors qu’avant c’était un peu plus simple, la presse traditionnelle avait plus de poids. La presse musicale, les blogs, il y a 10 ans il y en avait peu. Si tu cherchais une information ou si tu étais intéressé par un type de musique, tu pouvais assez rapidement savoir tout ce qui se passait. Là c’est tellement vaste ! Là le seul truc que je souhaite c’est que les gens qui pourraient avoir envie d’écouter mon disque puisse l’écouter. Après à ce qu’ils l’aiment, ça serait cool aussi hein ! Yuksek ça fait 10 ans, c’est hallucinant comment l’industrie de la musique a évolué en 10 ans, dans la façon dont les gens consomment la musique maintenant avec internet. Les stratégies changent un peu tous les 6 mois, c’est un tel bordel, c’est tellement vaste. Il faudrait juste faire de la musique, la sortir quand elle est prête, faire une jolie pochette… Revenir aux classiques ! Après je pense qu’il y a moyen de breaker internet hein, moi je pratique pas le truc de faire parler de moi pour autre chose que la musique. Je poste assez peu sur les réseaux, pas énormément de trucs perso, pas de trucs lol, je parle de musique même si c’est pas ce qu’il y a de plus populaire.

Sortie de Nous Horizon prévue pour le 24 février prochain, et en attendant ne manquez pas la collaboration événement de Yuksek et de l’astronaute Thomas Pasquet pour une vidéo depuis l’espace sur le titre Live Alone de son prochain album !