Écrit par Thomas - Publié le 09 Avr 2024 à 09:59

"La reprise de ma chanson Blackbird par Beyoncé est magnifique, je suis très heureux". Pour son huitième album, l'Américaine ne pouvait pas rêver meilleur compliment.

La musique peut-elle encore être politique ? A cette épineuse question digne d’un sujet de philosophie, Beyoncé vient de répondre avec Cowboy Carter, un disque qui a sans nulle doute surpris tout le monde, ses fans comme ses détracteurs jusqu’aux amoureux de la country traditionnelle, pas vraiment habitués jusque là à entendre une musicienne noire s’attaquer à leur genre favori.

Et alors que la musicienne la plus puissante du monde (plus de 200 millions d’albums vendus) aurait pu se contenter d’un nouveau disque sans message, Cowboy Carter en est rempli. Dès la pochette, Queen Bey donne la température avec un cliché qui rappellerait presque la guerre de Sécession, avec ce drapeau américain appelant à l’unité alors même que l’invasion du Capitole est encore dans toutes les têtes.

Et une fois rentré dans ce tracklisting gargantuesque, il y a ce titre placé en deuxième position : Blackbiird. Un titre qui devrait parler aux fans des Beatles, puisqu’il a été écrit en 1968 par Paul McCartney. Et si cette cover est importante, c’est parce que la plus grande voix de l’Amérique n’a pas fait ce choix au hasard.

Un acte politique

Historiquement, le Blackbird de McCartney publié sur l’album Blanc des Beatles faisait allusion à neufs adolescents noirs américains (dits « les 9 de Little Rock ») empêchés d’entrer à l’école par l’Etat de l’Arkansas en raison de leur couleur de peau. Fin des années 60, la ségrégation raciale est hélas encore monnaie courante aux USA, et le combat de ces six filles et trois garçons afro-américains devient immédiatement le symbole d’un combat civique qui, 56 ans plus tard, n’est pas encore terminé.

En reprenant ce Blackbird (écrit par un homme blanc) Beyoncé envoie un message fort à l’Amérique divisé, d’autant plus que sa version fait également la part belle à d’autres voix (noires) de la country américaine actuelle, elles-mêmes encore trop invisibilisées.

Avec l’autre reprise présente sur Cowboy Carter, le Jolene de Dolly Parton dont elle a modifié certaines paroles pour valoriser l’empowerment, Beyoncé marque donc deux gros points d’un coup. De quoi lui valoir les applaudissements de McCartney himself via Instagram : [cette reprise de Beyoncé] renforce le message des droits civiques qui m’a motivé pour écrire la chanson au départ”, explique-t-il, “je pense qu’elle a fait une version fabuleuse et j’exhorte tous ceux qui ne l’ont pas encore entendue à aller l’écouter ». En espérant qu’un jour prochain, il ne soit plus nécessaire d’écrire de telles chansons.